Une poignée de motards refuse systématiquement le salut, alors qu’il s’agit d’un usage largement partagé sur la route. Le geste codifié, pourtant ancré dans la culture motocycliste, ne trouve pas sa place dans certains groupes très identifiés. Cette particularité alimente incompréhensions et jugements, tout en renforçant les frontières symboliques entre communautés.
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Le salut motard, un rituel pas si universel
Le salut motard : ce fameux « V » de la main gauche lancé au passage d’un autre deux-roues. Loin d’être systématique, son histoire démarre avec Barry Sheene, pilote légendaire, avant de déferler sur la route et de gagner les motards européens. Au fil du temps, ce petit signe devient le marqueur d’une communauté qui revendique sa solidarité et l’envie de se reconnaître entre semblables.
En France, ce réflexe a tellement imprégné les habitudes qu’il s’esquisse sans y penser, à chaque croisement de visière. Mais cette évidence s’effrite sitôt qu’on change de continent. Aux États-Unis, le salut motard s’efface dans certaines régions, réservé à quelques milieux très précis, parfois à certains modèles ou à un groupe d’initiés. L’histoire locale pèse lourd et accentue les différences de rituels entre communautés.
La route fédère les motards, mais chaque tribu joue ses propres codes. Sportives, trails, routières, cruisers : toutes n’adoptent pas le même rapport avec ce salut mythique. On croise ceux qui relèvent à peine la tête ou optent pour un geste sobre, et d’autres encore qui restent hermétiques à l’exercice. Le geste, fluctuant selon l’identité de chacun, marque ainsi le paysage motocycliste de ses nuances et de ses paradoxes.
Harley-Davidson : mythe, appartenance et singularité
Pour les adeptes de Harley-Davidson, le salut est tout sauf anodin. Ici, rouler sur une Harley, c’est déjà afficher une appartenance. Le sentiment de clan s’impose, fruit d’une longue tradition marquée par l’image du « biker » et ses valeurs, l’attachement au groupe, la fidélité à une légende née sur les routes américaines.
Dans l’univers Harley, reprendre le salut commun, ce fameux « V » pratiqué par une majorité de motards, peut sembler en décalage. On trouve, en particulier aux États-Unis, des groupes qui réservent le geste à leurs semblables, pour ne pas diluer le symbole. Ce n’est pas fermé aux autres, mais la convivialité se protège dans un cercle soudé par la passion de la même moto, les mêmes aspirations.
L’architecture massive des Harley n’est pas non plus un détail. Essayez de saluer du « V » lorsque la position de conduite envoie votre bras loin du guidon, ou que la largeur de ce dernier rend tout mouvement risqué dans les virages. Rapidement, le signe de tête s’adapte mieux à la situation, laissant le salut traditionnel de côté sans que cela trahisse une absence de respect.
La même logique existe en France. De nombreux motards Harley échangent volontiers leur salut avec d’autres membres du groupe ou lors d’événements. Mais dans la circulation quotidienne, c’est souvent le blouson, l’écusson ou une poignée de main à l’arrêt qui soulignent le lien, pas forcément le geste dès qu’un deux-roues approche. La cohérence du groupe s’exprime ainsi, préservant la singularité sans nier la fraternité motarde.
Pourquoi certains motards Harley ne répondent-ils pas au « V » ?
Ce sujet anime les discussions chez les motards, surtout en ligne : pour quelles raisons certains passionnés de Harley restent-ils de marbre devant le « V » d’un autre motard ? Les réponses sont loin de la caricature ou de la simple politesse oubliée.
L’ergonomie de la Harley intervient rapidement. Un guidon large, une position pas toujours commode et l’attention requise sur des engins aussi imposants rendent parfois le salut tout simplement hasardeux. Dans un virage serré ou à basse vitesse, garder le contrôle prime largement sur le rituel.
La logique du groupe continue de peser. Pour certains, réservé le « V » à ceux qui partagent la même philosophie ou la même monture relève d’une fidélité aux codes internes. Croiser un scooter 125 cm³, un trois-roues ou une BMW ne déclenche pas toujours de réponse, parce que la communauté Harley se construit aussi dans la différence visible.
Différents cas de figure font basculer l’attitude :
- En ville, l’attention mobilisée et le trafic dense écartent souvent le réflexe du salut.
- Sur certaines routes ou lors de rassemblements spécifiques, le salut reprend tout son sens pour marquer la complicité et le respect des pairs.
Entre permis A et B, side-cars, trois-roues ou maxi-scooters, le paysage s’est complexifié. Chez les Harley-Davidson, rien n’est figé : chacun compose, selon ses habitudes, le contexte et la notion d’appartenance qu’il souhaite afficher.
Décrypter les codes : entre respect, traditions et malentendus
Un simple « V », un appel de phare ou un mouvement de tête : le salut motard revêt une multitude de formes. Sur la route, la manière de saluer relève à la fois d’un état d’esprit et d’un principe de respect, parfois d’un attachement à la tradition ou au contraire d’une volonté de se distinguer.
Tout dépend du moment, de la situation et du lien qui unit les motards. La solidarité se mesure aussi autrement. S’arrêter pour prêter main forte à un motard en galère, proposer un casque ou partager ses expériences lors de discussions animées, chaque geste renforce les liens dans la communauté. Certains optent pour un clin d’œil, d’autres prennent l’habitude de tendre la jambe lors d’un dépassement. Cette diversité nourrit les échanges, mais peut aussi alimenter les malentendus.
Pour clarifier la variété de gestes courants entre motards, voici quelques exemples repérés sur la route :
- La main levée, utilisée sans compter sur les longs trajets ou sur les axes fréquentés.
- Le pouce levé, devenu un classique lors des grands rassemblements en France.
- Le partage des anecdotes et conseils, qui forge une solidarité concrète chez les passionnés.
La scène motarde évolue, les codes changent et le salut s’adapte. Une poignée de main, un signe discret ou quelques mots suffisent à faire sentir l’appartenance à ce monde. Le salut motard traverse les modes, parfois signe d’ouverture, parfois marque d’un univers à part. En filigrane, ce petit geste, ou son absence, continue de dessiner la géographie mouvante de l’esprit motard, loin des clichés, sur chaque portion de route partagée.



